
J’ai le plaisir de partager l’interpellation d’Olivier Droz, avocat et passionné d’hockey à la ligue suisse de hockey au sujet de la décision du Tribunal du Sport de la SIHF sur la sanction de 2 matchs de suspensions à l’encontre de Tommy Wingels du GSHC :
Remarques/Questions @SwissIceHockey
Actualité oblige, j’aimerais vous interpeller suite au prononcé de la décision rendue par votre Tribunal du Sport dans l’affaire Wingels, plus précisément sur la motivation sommaire qui en ressort, motivation à laquelle je n’arrive d’ailleurs toujours pas à adhérer en tant que juriste.
Selon moi, toute la procédure ayant entouré cette affaire montre bien les limites du système en place actuellement. À la fois sur le fond, mais également sur la forme.
Sincèrement. Comment le Tribunal d’appel peut-il objectivement arriver à la conclusion qu’il y a – sans doute possible – une charge à la tête (point de contact initial à la tête) sachant que:
– Le PSO dit que la tête n’est pas du tout visée et qu’il s’agit en l’occurrence d’une charge légale – Les consultants MySports romands ET suisses-allemands émettent de sérieux doutes sur l’existence d’une charge à la tête, certains allant même jusqu’à dire qu’il s’agit d’une charge légale
– Le corps de Vermin bascule vers l’arrière en même temps que la tête, ce qui prouve bien que le contact initial et principal est sur l’abdomen et non la tête
– Une charge similaire (celle de Scherwey sur Roe où le contact initial à la tête est bien plus évident) est restée impunie par vos instances.
Je me pose également certaines questions sur l’application que le Tribunal fait (ou ne fait pas car il l’a tout simplement ignoré) du principe de la présomption d’innocence (« in dubio pro reo »).
La présomption d’innocence est en effet inscrite noir sur blanc dans vos règlements. Il y est indiqué que: « Le principe de la présomption d’innocence s’applique à la partie défenderesse jusqu’à l’entrée en force d’un jugement (in dubio pro reo) »
Ce principe est pourtant clair en droit suisse. Il signifie notamment que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l’existence d’un fait défavorable à l’accusé si, d’un point de vue objectif, il existe des doutes quand à l’existence de ce fait.
Pourquoi dès lors ne pas en faire application dans le cas de Wingels?
Autre point: le règlement de l’organisation juridique du sport d’élite.
Pour être franc, cela part dans tous les sens. Entre contradictions et manques de clarté divers, on s’y perd. Le rôle du PSO par exemple ou encore le pouvoir de décision du juge unique en matière disciplinaire qui semble être a priori limité, mais qui s’avère apparement être total en finalité.
Les clubs, les joueurs ou même le public manquent de directives. Et devant tant d’inconnus, on attend éventuellement d’un tribunal d’appel qu’il apporte des précisions et des réponses bienvenues sur les points en suspens. Mais non. Au contraire, il semble même y ajouter des incohérences supplémentaires.
Final point: l’absence d’effet suspensif dans la procédure d’appel.
Comment peut-on garantir une justice efficace et surtout juste quand on ne s’en donne pas les moyens? Quel serait par exemple le problème à instaurer un effet suspensif à un appel? Personnellement, je n’y vois que des avantages. Le plus important? Celui de ne pas avoir à rendre une décision à la va-vite au détriment des clubs et des joueurs comme cela a été le cas dans l’affaire Wingels.
Je n’ai pas la prétention d’obtenir des réponses à mes questions. Ma prétention, c’est plutôt que les choses bougent enfin et que la fédération arrête de se voiler la face.
Car aujourd’hui ce qui est sûr c’est qu’aux yeux du grand public et de certains clubs, le système actuel n’est pas satisfaisant et met à mal la crédibilité de la Ligue.
Olivier Droz
Commentaire de plouf :
Cette interpellation met en exergue que le Tribunal juge une charge à la tête qui n’est pas avérée avec les images TV, ni par le PSO et spécialistes du hockey. Ainsi, le Tribunal ignore un principe de la présomption d’innoncence fondamental en droit suisse. A mon avis, il s’agit d’une faute grossière du juge unique et du tribunal composé de 3 avocats.
Ensuite, Olivier Droz dénonce un règlement flou qui ne précise pas clairement si le juge unique peut de lui-même décider l’ouverture d’une enquête en l’absence d’une demande du PSO ou d’un club.
Enfin, il regrette l’absence d’effet suspensif dans la procédure d’appel. Sur ce point, je trouve cette absence utile d’un point de vue sportif. Un effet suspensif engendra sans aucun doute une vague de recours afin que le club puisse faire jouer immédiatement son joueur en période de play-off/play-out.