
Le 29 janvier 2021, Denis Vaucher informait que le règlement relatif aux joueurs de nationalité étrangère en National League a été adopté. A partir de la saison 2022/23, un maximum de sept joueurs de nationalité étrangère pourront être alignés par match. Simultanément, le statut « licence suisse » sera limité aux joueurs de nationalité étrangère âgés de moins de 22 ans. Dès la saison 2022/23, les joueurs étrangers perdront par conséquent leur statut « licence suisse » lorsqu’ils atteindront l’âge de 22 ans. Cette solution doit permettre aux joueurs de nationalité étrangère qui ont été formés au sein des ligues juniors suisses durant cinq années au moins d’acquérir le passeport suisse et de se qualifier ainsi pour une sélection dans les équipes nationales suisses.
Par le passé, le hockey suisse ne respectait pas la loi suisse en limitant illégalement le nombre de joueurs européens. Jusqu’à ce jour cette règle n’a jamais été attaqué auprès de la justice civile. Avec cette décision relative aux licences suisses, la ligue fait un pas de plus vers l’illégalité qui devient effective pour les joueurs étrangers qui sont nés ou qui ont grandi en Suisse.
Ce sujet de la nationalité dans le hockey est sensible et déchaîne des passions. Pour comprendre la situation avec un peu de recul, je vous suggère un thread twitter :
Cette modification de règlement de licence suisse est présente dans les discussions et les médias depuis l’été 2020 sans que l’illégalité soit interrogée ou expliquée.
Une semaine après l’annonce de la réforme, le 5 février 2021, l’ensemble des joueurs étrangers victimes de cette réforme ont écrit un courrier au directeur de la ligue ainsi qu’à tous les clubs qu’ils n’acceptaient pas cette réforme et qu’ils étaient prêts à défendre leurs droits jusqu’à la justice civile si cela était nécessaire.
Le 5 janvier 2021 (avant l’adoption de la réforme), le CEO du EV Zug, Patrick Lengwiler a écrit sur leur site que le règlement sur les joueurs étrangers pouvait être résilié et annulé à tout moment par un tribunal civil.
Ces derniers mois, la ligue a pris des décisions qui vont dans tous les sens. Par exemple, en mars 2020, elle annule les play-offs sous prétexte qu’il est impossible de les disputer à huis clos et en septembre elle décide d’organiser toute la saison 2020-2021 sans spectateurs. Un autre exemple, à l’automne 2020 les clubs exigent et obtiennent des subventions de la Confédération sous prétexte qu’ils risquent de finir en faillite; en début 2021, plusieurs clubs engagent des joueurs étrangers surnuméraires. Lausanne refuse les subventions et d’autres clubs évoquent que si la loi n’est pas modifiée, ils en feront autant car les conditions ne leur conviennent pas (essentiellement l’exigence de la diminution des rémunérations des joueurs).
Ces retournements de veste démontrent l’insécurité dans laquelle les clubs se trouvent actuellement. En pleine crise Covid, ils ont décidé de quitter la fédération afin d’avoir leur liberté sur la gouvernance du championnat ainsi que sur les négociations des droits TV. Jusqu’à aujourd’hui, les 12 clubs se répartissaient en deux groupes, entre les clubs puissants (Bern-Zurich-Davos-Zoug-Lugano) qui forment un lobby puissant et qui se partagent les titres ces trente dernières années et tous les autres. Avec de nouvelles patinoires à Bienne, Lausanne et Fribourg le rapport de force change. Les financements de ces clubs sont aussi très variables; certains clubs dépendent essentiellement de mécènes et d’autres se financent exclusivement avec leur activité commerciale.
Avec des conditions aussi variées et changeantes, il est difficile de prendre des décisions et faire passer un message cohérent auprès du public. L’absence d’une forte direction à la ligue n’aide pas non plus, ni le fait que chaque club communique publiquement sur les points qu’ils désirent défendre auprès de la ligue.
Face à la détermination des joueurs étrangers bénéficiant aujourd’hui de la licence suisse, la ligue peut décider de rester sur sa ligne. Dans ce cas, elle prend le risque de se retrouver devant un juge civil qui annulera ce règlement sur les licences. De plus, les joueurs victimes de ce règlement qui ont vu immédiatement leur contrat se dévaluer devrait obtenir de la ligue un dédommagement pour cette dévaluation, je doute que la ligue soit disposée à prendre ce risque.
La ligue peut aussi décider de revenir en arrière et continuer d’appliquer le règlement des licences suisses comme jusqu’à aujourd’hui. Le nombre de 7 étrangers adopté par l’ensemble des clubs pourraient être maintenu ou rediscuté
Dans tous les cas, la détermination des joueurs étrangers à licence suisse peut donner des idées aux joueurs étrangers n’ayant pas effectué leur formation en Suisse. Des exemples, tel que Pouliot qui en fin de carrière ne peuvent espérer de recevoir une prolongation uniquement s’il obtient une licence suisse. Les joueurs à licence étrangère et établis en Suisse depuis plus de 5 ans peuvent obtenir les mêmes droits auprès d’un juge civil et pourraient être tentés à démontrer la même détermination pour la défense de leurs droits.
Pour les joueurs suisses, il est important et nécessaire de faire une distinction entre se battre pour des droits inscrits dans la loi Suisse et se battre pour des privilèges construits sur une base illégale.
Le championnat suisse de hockey a débuté une révolution profonde dans une situation compliquée et il est difficile d’avoir aujourd’hui une idée précise de son futur. Une ligne de conduite variable et difficilement compréhensible pour son public, mais également pour ses sponsors et principalement les médias qui doivent prochainement négocier les droits TV ne favorisent pas le marketing de ce championnat.